Nous avons beaucoup hésité à contribuer au projet
Council 50… Nous ne pouvons, en effet, le faire sans clarifier d’abord les
obstacles qui se dressent devant nous. Et cela peut fort bien conduire à ce que
notre réflexion soit vaine. Tant pis !
Nous avons perdu tout goût pour tenter de réformer
l’église romaine dans ses pratiques comme dans sa dogmatique théologique, ecclésiale
et morale… La lassitude l’a emporté. Nous sommes aux marges de cette église.
L’an dernier, nous nous sommes prêtées, non sans réticence, à une réflexion sur
l’église pour la journée intercommunautaire du 16 mars 2014 à Paris. Revenant aujourd’hui
sur ce que nous avons alors élaboré, il apparaît que cette question de l’église
demande d’abord une réflexion historique. Voilà les points que nous soulignions
alors et qui nous semblent encore valables :
- Le mot ἐκκλησία, « église »
qui signifie « assemblée » des citoyens puis dans le NT
« assemblée » des fidèles est employé dans des expressions comme
l’église, c’est-à-dire l’assemblée de Jérusalem, d’Antioche ou d’Ephèse… ,
l’église, l’assemblée qui est dans ta maison (Phm 1,2), l’église de Dieu, du
Christ, les églises. Ce mot « église » ne se trouve que 2 fois dans les textes
évangéliques en Mt 16,18 et 18,17,
ajouts sans doute tardifs au moment où la « grande église »
s’instaure et est mise sous l’autorité de Pierre. Jésus n’a pas fondé l’église,
il a prêché le royaume des cieux, dit aussi le royaume de Dieu (environ 100
emplois dans les évangiles). Ce sont ses disciples qui, après la Pentecôte, se
constituent en assemblées et elles grandissent et se multiplient par la
prédication non plus du royaume mais de Jésus qui a fait le bien, est mort et
ressuscité, par la transmission de l’esprit de pentecôte, le baptême et la
mémoire du dernier repas de Jésus avec ses disciples. Ainsi se constituent les
« chrétiens ».
- Ces églises deviennent la
« grande église », communion d’églises locales, au IIe siècle, puis
avec la conversion de Constantin la grande église devient
« impériale » avec un mode de fonctionnement calqué sur l’empire
romain (IVe siècle).
- Ce pouvoir sociétal et hiérarchisé
marque les mentalités à tel point que la réalité église est vue essentiellement
à travers le prisme de l’église catholique romaine. Et pourtant il y a d’autres
églises…
À cela s’ajoutaient les propos de chacune sur son rapport à l’église, une synthèse n’étant ni possible ni souhaitée :
- Reconnaissante vis-à-vis de ceux
qui m’ont transmis la foi et permis de la reprendre à mon compte dans un
engagement sans retour dans une vie fraternelle à la suite de Jésus, je
continue à me situer dans un travail constant d’ajustement à la parole
évangélique, travail qui me semble être le propre de tout membre de la
communauté église en laquelle nul ne peut prétendre à 100% être fidèle à
l’évangile !
- L’important est d’être disciple de
Jésus. Aimer ses frères sans chercher son intérêt. C’est l’amour que Jésus a
manifesté et enseigné. Je ne suis pas prête à accepter l’église dans son
organisation et dans son pouvoir, qu’elle a érigés dans ma vie avec quelle
raideur et sans intelligence. La foi peut ne pas en être perdue pour
autant ; la foi pose question, elle n’est jamais évidente, c’est son
statut.
- L’église, ça ne me dit rien, aujourd’hui.
Elle a été tellement contraignante. Je ne me sens pas « église »,
ici, dans notre groupe où pourtant je me sens bien (relations fraternelles).
- L’église est un fardeau parce
qu’elle prétend détenir la vérité, est antidémocratique, est contre l’égalité
homme/femme, se pose en experte des choses humaines comme la seule référence…
C’est lourd et cela provoque une critique incessante et en même temps une
grande lassitude : on renonce à se battre ! La référence solide est
l’éducation les uns par les autres sur le socle évangélique : c’est cela,
de mon point de vue, la communion ecclésiale !
- Je ne me sens pas d’église. Et je
suis devant l’impossibilité de parler de ce qui m’a fait vivre, cependant,
depuis longtemps. Cela se rapporte autant à la foi, à la religion qu’à
l’église. Tout est brouillé, il est difficile de reconstruire.
- Et l’évangile ? L’évangile
déborde l’église. Qu’est-ce que ça veut dire « nous sommes église »
dans tout ça ? avec qui ? avec des gens généreux ou seulement avec
des gens qui se réclament de Jésus-Christ ?
- L’église, institution humaine, est
remplie de défauts (pouvoir politique et spirituel, argent..) mais elle a fait
en sorte que cet homme Jésus soit encore connu et que l’évangile soit entre nos
mains aujourd’hui.
Enfin, nous avons lu la Lettre de Paul à Philémon, un superbe billet venant stimuler notre réflexion.
Par ailleurs, nous pouvons nous définir en tant que
communauté chrétienne de base autour de trois axes qui émergent de notre
pratique. Nous essayons de marcher, d’avancer avec d’autres et nous pouvons constater
que nous tenons à :
- rencontrer d’autres communautés ou groupes et à
échanger, travailler avec les membres de ces communautés ou groupes (niveau
local, européen, régional ou national) ;
- mener une « veille » politique pour
décrypter, comprendre et agir avec d’autres (laïcité, information, culture,
finances, égalité, genre, lois votées, migrants, politique internationale...) ;
- nous laisser stimuler par la lecture de textes
notamment bibliques (approche historique) ;
- faire référence à Jésus de Nazareth, ce
« passant considérable ».
Ce long préambule veut situer notre propos et
expliquer pourquoi nous sommes gênées par l’enracinement « hypercatholique
romain » de Council 50 et pourquoi en même temps nous souscrivons à des réflexions qui apparaissent dans le
projet. Et nous pouvons dire que
quatre réformes majeures auraient
dû être envisagées à l’échelle mondiale depuis la fin de Vatican II :
Un fonctionnement démocratique
avec un vrai pouvoir aux laïcs et une égalité femmes hommes.
Une formation pour tous.
Un accompagnement et non une
censure, allant jusqu’à la désinformation, face aux interrogations et changements
sociaux et sociétaux, éthiques et philosophiques.
Le mariage des prêtres.